Interventions en faveur des migrants dans les camps de migrants

Certains migrants peuvent rester longtemps dans un camp de migrants. Les séjours peuvent être de différentes natures.

Sur la base de diverses caractéristiques, aux fins de cette section, il est tenu compte des migrants qui séjournent dans un camp dans l’intention d’être réinstallés dans un autre pays ; des migrants qui séjournent dans un camp jusqu’à ce qu’ils puissent rentrer dans leur pays d’origine ; et des migrants qui séjournent dans un camp jusqu’à ce qu’ils puissent s’installer dans le pays où le camp est situé.

La section qui suit passe en revue les besoins des migrants dans les camps et présente six pratiques intelligentes qui répondent à certains de ces besoins.

Messages clés de la section

BESOINS DES MIGRANTS

  • Les besoins dans les camps de migrants concernent toutes les dimensions de la résilience. Lorsqu’un migrant arrive dans un camp et s’y intègre, ses besoins, qui étaient jusque-là principalement liés au capital physique, évoluent et touchent davantage à la réglementation, au capital financier, au capital social, au capital humain et au capital naturel. Cela est en grande partie dû au fait que les séjours dans des camps de migrants peuvent avoir une durée très variable allant de quelques semaines à des décennies.

PRATIQUES INTELLIGENTES

  • La plupart des pratiques intelligentes recensées pour cette étape ciblent les besoins physiques des migrants.
  • Elles partagent quelques caractéristiques communes : elles visent à fournir des solutions à long terme pour les migrants, dans l’idée que ceux-ci pourraient rester dans le camp pendant plusieurs années ; elles sont essentiellement constantes et fiables pour fournir un soutien stable aux migrants tout en étant suffisamment flexibles pour pouvoir être adaptées à l’évolution des besoins ; la plupart associent les migrants aux solutions, bien que certaines fournissent des solutions directes ; ce sont des initiatives ciblées ; elles sont mises en œuvre en partenariat avec des acteurs présents dans le pays.
  • Les acteurs ont rencontré quelques difficultés communes en s’employant à répondre aux besoins des migrants dans les camps, notamment : la répartition inégale du soutien entre les camps, la barrière de la langue, des obstacles culturels pour ce qui est d’aborder certains sujets et des tensions avec les communautés locales vulnérables. Parmi les enseignements tirés, il faut citer le fait qu’il est nécessaire de définir clairement les rôles et responsabilités, d’associer les populations d’accueil les plus vulnérables aux interventions, d’entretenir un dialogue régulier avec les chefs communautaires et de faire participer les migrants qui possèdent des compétences linguistiques aux interventions.

Les besoins dans les camps de migrants touchent à toutes les dimensions de la résilience.

La présente section est consacrée aux besoins des migrants dans les camps de migrants. Les séjours sont de différentes natures. Il peut s’agir de migrants qui séjournent dans un camp dans l’intention d’être réinstallés dans un autre pays, de migrants qui séjournent dans un camp jusqu’à ce qu’ils puissent rentrer dans leur pays d’origine, ou de migrants qui séjournent dans un camp jusqu’à ce qu’ils puissent s’installer dans le pays où le camp est situé. Par conséquent, les migrants peuvent y passer de quelques semaines à plusieurs décennies. Selon les estimations, la durée moyenne des graves crises de réfugiés (prolongées ou non) a augmenté, passant de neuf ans en 1993 à 17 ans en 20031.

1 www.unhcr.org/40c982172.pdf.

 

Les besoins d’un migrant qui arrive et s’intègre dans un camp évoluent avec le temps:

Réglementation/gouvernance : Le migrant doit pouvoir rester dans le camp aussi longtemps que nécessaire ou que convenu. De même, il doit au besoin pouvoir le quitter en toute sécurité. Pendant le séjour, les besoins essentiels du migrant doivent aussi être satisfaits : logement, nourriture, soins de santé, éducation et possibilités d’emploi.

Capital financier : Pour un migrant qui reste longtemps dans un camp, l’accès à des possibilités d’emploi ou de générer des revenus est particulièrement important. La personne peut trouver ces possibilités dans le camp ou dans la communauté voisine. À quelques exceptions près, des restrictions juridiques s’appliquent aux migrants et les empêchent de travailler légalement à l’extérieur du camp. L’absence de possibilités économiques aura probablement des conséquences négatives sur leur capital physique, mental et social.

Capital physique : Au départ, lorsque le migrant arrive dans le camp, ses besoins physiques sont les plus urgents. Il doit avoir accès à un hébergement adéquat compte tenu des conditions climatiques (froid, pluie, chaleur, etc.) et adapté à ses besoins sociaux (sécurité, intimité pour la personne et ses enfants, ainsi que pour le reste de la famille).

Lorsqu’il arrive au camp, le migrant aura souvent aussi besoin de soins médicaux et d’aliments hautement nutritifs, car il peut être sous-alimenté, épuisé ou malade à cause du voyage. Avec le temps, ces besoins évolueront, par exemple avec l’envie d’une nourriture variée. L’une des personnes interrogées a confirmé que les migrants essayaient souvent de retrouver une vie aussi ordinaire que possible : « Le Programme alimentaire mondial fournit une ration de base constituée de maïs, de haricots, d’huile alimentaire et de sel. Or si vous vous promenez dans le camp, vous constaterez que les migrants sont passés à un stade supérieur, ils mangent des pâtes, du riz, du lait et d’autres choses qui ne font pas partie de la ration de base. »

Au fil du temps, le besoin en soutien psychosocial gagne aussi en importance, car la personne sera désormais prête à commencer à surmonter les situations traumatisantes qu’elle a fuies ainsi que les traumatismes vécus pendant le parcours. Du fait de la durée prolongée du séjour, elle peut aussi avoir bâti une relation de confiance avec l’assistant psychosocial, ce qui facilitera le processus de soutien.

Capital humain : Les enfants et les jeunes ont besoin d’accéder à l’éducation primaire, à l’éducation secondaire et à la formation professionnelle, faute de quoi ils risquent d’être privés de mois ou d’années de scolarité, ce qui peut les rendre moins résilients sur le long terme. Les migrants dans leur ensemble auront besoin de pouvoir accéder à des informations actualisées sur leurs droits et sur les modifications de législation les concernant, ainsi qu’à des informations pratiques sur le camp et au sujet de l’éventuelle poursuite de leur parcours. Le besoin d’information peut devenir particulièrement important lorsque les camps sont situés loin de toute autre source d’information.

Capital social : Plus le séjour dans le camp se prolonge, plus les besoins sociaux des migrants augmentent. Souvent et dans la mesure du possible, les migrants chercheront à rétablir les liens rompus avec leurs proches. Dans certains cas, ils se rendront dans des camps ou des régions spécifiques espérant pouvoir y être réunis avec leur famille.

Leur séjour dans le camp pouvant potentiellement se prolonger, les migrants doivent aussi sentir qu’ils appartiennent à la communauté, qu’il s’agisse de la communauté du camp ou de la communauté d’accueil locale. « Les réfugiés qui vivent dans les camps doivent avoir l’impression qu’ils contribuent à la société », a expliqué l’une des personnes interrogées. Il faut noter que, parfois, les migrants ne sont pas autorisés à quitter le camp, ce qui rend l’intégration au sein de la communauté locale plus difficile.

Capital naturel : Comme vu précédemment, un capital naturel insuffisant (biodiversité insuffisante, mauvaise qualité de l’air, de l’eau, de la terre et des forêts) peut avoir été un moteur de migration et devrait avoir été abordée dans le cadre d’initiatives à l’intention des populations vulnérables. Les besoins d’un migrant sur le plan du capital naturel regagnent en importance dans un camp de migrants, en particulier si son séjour se prolonge. En effet, le migrant peut avoir besoin de terres et d’eau de bonne qualité pour cultiver de la nourriture et peut dépendre des forêts ou des lacs pour pouvoir pêcher et s’approvisionner en eau, etc. (À noter cependant que, dans le cadre de la présente étude, aucune initiative abordant la question du capital naturel dans les communautés d’accueil dans la perspective d’aider les migrants n’a été recensée.)

Le tableau ci-dessous résume les besoins en soutien externe que les migrants peuvent avoir en commun. Un soutien sera probablement nécessaire dans tous les domaines, mais une couleur plus foncée indique un besoin de soutien externe généralement plus important.

Exemples de besoins sur les plans du capital physique et du capital financier

MIGRANTS SYRIENS, LIBAN

Le capital financier est vu comme un élément clé pour satisfaire la plupart des besoins sur le plan du capital physique. Des migrants syriens vivant dans un camp au Liban depuis quelques années ont expliqué que les ressources financières constituaient un besoin crucial. Ils dépendent du soutien financier du HCR (130 dollars É.U. par mois pour une famille) et d’activités agricoles sporadiques qui leur rapportent 5 dollars É.U. par jour quand ils en trouvent. Leurs besoins financiers sont néanmoins élevés, car ils doivent payer la location du terrain sur lequel leurs tentes sont installées à un propriétaire local (70 dollars É.U. par mois), l’électricité, l’eau et les soins de santé, et subvenir aux besoins de familles nombreuses.

Les terribles conditions d’hébergement exposent les migrants à des dangers. Les conditions d’hébergement des migrants syriens dans deux camps de fortune au Liban sont totalement inadéquates pendant plusieurs mois de l’année. Dans les tentes couvertes de bâches, la température peut grimper jusqu’à 48°C en été et chuter à -9°C en hiver. Par ailleurs, les incendies y sont fréquents à cause de mauvais câblages électriques. Dans l’un des camps, il y avait en moyenne trois incendies par mois avant que l’installation électrique soit améliorée. Les inondations étaient également fréquentes (avant la construction de canaux d’évacuation) et pouvaient conduire au débordement des latrines et à la propagation de maladies, les matelas et les couvertures se retrouvant souillés.

MIGRANTS CONGOLAIS, KENYA

Les migrants les quittent les camps, où les possibilités financières limitées, dans l’espoir de trouver des possibilités d’emploi à l’extérieur. Des migrants urbains congolais ont déclaré savoir que les camps offraient des services, mais avoir estimé ne pas pouvoir améliorer leurs conditions de vie à l’intérieur des camps. C’est pourquoi ils ont préféré se rendre à Nairobi et vivre en situation irrégulière, mais avec la possibilité de trouver du travail, plutôt que de rester dans un camp.

Exemples de besoins sur les plans du capital humain et du capital social

MIGRANTS CONGOLAIS, KENYA

L’inimitié entre migrants force certains à fuir les camps en quête de sécurité. Plusieurs migrants congolais ont aussi expliqué qu’ils avaient quitté les camps pour se mettre à l’abri d’autres migrants. Un migrant urbain congolais a raconté pourquoi, pour des raisons de sécurité, il ne pouvait pas rester dans un camp de migrants. Pour des motifs tribaux, sa famille avait fait l’objet d’une élimination ciblée. Pendant les vacances scolaires, des rebelles avaient attaqué et tué sa famille. Ils avaient torturé ses proches avant de les tuer. Lui-même avait aussi été blessé par balle, mais il avait pu s’échapper par une fenêtre et fuir. Il était tombé sur un camion qui transportait du bois et s’y était caché. Lorsqu’il en était sorti, il se trouvait à Nairobi. Dans cette ville, il avait rencontré quelqu’un qui l’avait emmené à l’église et lui avait donné un peu d’argent et les coordonnées du HCR, auprès duquel il s’était enregistré avant de s’installer dans un camp. Malheureusement, ses attaquants avaient envoyé des hommes pour le trouver et le tuer. Dans le camp, il avait été attaqué par quelqu’un qui lui avait dit « qu’il ne pourrait pas s’échapper aussi facilement ». Il avait donc fui le camp pour rejoindre la ville.

MIGRANTS SYRIENS, LIBAN

Certains enfants migrants sont privés de scolarité à cause des dangers liés à la circulation. Des migrants syriens installés dans deux camps de fortune au Liban ont expliqué ne pas pouvoir envoyer leurs enfants à l’école. Bien que le système éducatif leur soit accessible, l’école la plus proche se trouve assez loin du camp, et les parents ont peur de laisser leurs enfants traverser seuls les routes très fréquentées qui y mènent.

La plupart des pratiques intelligentes recensées ciblent les besoins physiques

Le tableau ci-dessous résume les pratiques intelligentes recensées pour cette étape.

Caractéristiques communes des pratiques intelligentes

Les pratiques intelligentes recensées à l’étape des camps de migrants partagent quelques caractéristiques : elles visent à fournir des solutions à long terme pour les migrants, dans l’idée que ceux-ci pourraient rester dans le camp pendant plusieurs années; elles sont essentiellement constantes et fiables pour fournir un soutien stable aux migrants tout en étant suffisamment flexibles pour pouvoir être adaptées à l’évolution des besoins ; la plupart associent les migrants aux solutions, bien que certaines fournissent des solutions directes ; ce sont des initiatives ciblées ; elles sont mises en œuvre en partenariat avec des acteurs présents dans le pays.

  1. Les bénéficiaires cibles, les services fournis, ainsi que le moment et l’endroit où les services sont fournis varient-ils facilement, ou ces éléments sont-ils constants et prévisibles?

Défis communs et enseignements tirés

DÉFIS COMMUNS

ENSEIGNEMENTS TIRÉS

DÉFIS COMMUNS

Certains camps (en particulier les camps de migrants autogérés) peuvent recevoir moins de soutien que d’autres.

ENSEIGNEMENTS TIRÉS

Établir une carte claire des camps et répartir les rôles et les responsabilités entre les acteurs clés intervenant dans les camps.

DÉFIS COMMUNS

Des tensions peuvent survenir avec les populations locales vulnérables, qui peuvent estimer avoir le droit de bénéficier de programmes semblables.

ENSEIGNEMENTS TIRÉS

Associer les populations d’accueil vulnérables aux interventions, la vulnérabilité devant être établie sur la base d’un critère clair tenant compte des migrants et des populations locales.

DÉFIS COMMUNS

Il peut au départ être difficile pour les migrants d’aborder certaines questions délicates telles que la violence sexuelle au sein des communautés.

ENSEIGNEMENTS TIRÉS

Dialoguer régulièrement avec les chefs des groupes de migrants est important pour bâtir la confiance avec la communauté, ce qui permet de ne pas passer à côté des questions délicates.

DÉFIS COMMUNS

Du fait de la barrière de la langue entre les différentes communautés et les prestataires de services/les volontaires, il est plus difficile de répondre efficacement aux besoins.

ENSEIGNEMENTS TIRÉS

Faire participer les migrants ayant des compétences linguistiques comme volontaires (ou interprètes rémunérés).